Bonjour,
Voici un billet qui va mettre en avant un point important de notre protocole de laboratoire au sein de l’association scIence :
L’accueil du phénomène.
André Faussurier a commencé à utiliser ce protocole dans l’observation des phénomènes atypiques il y a plus de 50 ans… (il a 90 ans à l’heure où j’écris). Cela lui a permis d’être ouvert à bien des variations atypiques de phénomènes physiques reconnus pour être stables.
Si ne serait-ce qu’un seul cas est exceptionnel (par exemple si la pomme fuyait une seule fois la Terre en se détachant de l’arbre par exemple) alors ce cas serait à étudier avec plus de force qu’aucun autre. Évidemment il faut souhaiter que ce cas soit reproductible : au laboratoire de scIence nous travaillons sur des cas inhabituels mais reproductibles dans leur ‘inhabitualité‘.
Lorsqu’André Faussurier m’a parlé de l’accueil, ce fut tout d’abord comme si j’avais tout de suite « saisi » la chose puis j’ai compris après coup que c’était facile à accepter mais pas vraiment à comprendre, comprendre c’est-à-dire prendre avec soi pour faire quelque chose ensemble.
Car il ne s’agit pas de saisir mais d’accueillir.
Il semble naturel que suite à la découverte d’un phénomène cette démarche naturelle de l’accueil devrait se présenter immédiatement. Seulement l’idée vient très vite de vouloir circonscrire les paramètres apparents en cause et d’expliquer la chose. Prenons un exemple :
On utilise une pile et un fil de cuivre. On court-circuite la pile pour allumer un tas de brindilles qui mettra le feu à quelques bûchettes qui enflammeront des bûches.
On distingue très vite les phénomènes court-circuit et feux de brindilles, buchettes, bûches. Alors on choisit un phénomène, et par exemple on observe ce qui se passe dans le court-circuit : le fil rougit puis très vite il va nous présenter une allure de cuivre oxydé avant d’être froid. On constate alors que la pile est morte. Une explication se présente aussitôt : La pile a dissipé son énergie en chaleur à travers le fil.
Il semble qu’il n’y a rien à redire à cela. L’accueil du phénomène n’a pas été une épreuve : on avait une pile et un fil reliant les extrémités de la pile. On avait les « paramètres » dans les mains.
Mais une pile n’est pas naturellement chaude… Tiens, elle est devenue chaude elle-même tandis que chauffait le fil.
Au bout d’un certain temps la pile ne pouvait plus ni faire chauffer le fil ni se chauffer elle-même. Alors on explique que la pile et le fil sont en circuit fermé, le circuit le plus court qui soit, celui où passe un courant électrique issu de la pile le plus élevé qu’elle soit capable de débiter.
Vous aurez sans doute repéré que malgré la progression de nos observations, on n’a fait que faire cheminer des hypothèses causales. À chaque fois nous nous sommes appuyés sur des concepts, comme pile, courant, énergie, chaleur ; c’était comme si on en était en quelques sortes prisonnier de ce qu’ils représentent parce qu’on tient ces concepts pour correctement définis, limités. On peut rajouter des mesures et trouver derrière l’ensemble de ce que l’on aura relevé (température, courant, variation de la conductivité en fonction de la chaleur, etc.) des lois qu’on pensera archétypales.
En est-il véritablement ainsi ? Peut-être… mais peut-être pas !
On peut relever quelques éléments antérieurs au déroulement des événements :
- JE mets en œuvre l’expérience. Un fil et une pile ne joue de ce phénomène que si quelqu’un, ou quelque chose venant dans le cas de notre expérience obligatoirement de quelqu’un, le met en œuvre, en disposition pour qu’il se déroule. Ce n’est pas un phénomène naturel.
- Je connais d’entrée de jeu TOUT les éléments en cause, j’ai par exemple choisi une pile chargée c’est-à-dire qui est l’aboutissement d’un processus de fabrication extrêmement complexe : mettre une réserve d’énergie sous une forme où celle-ci ne pourra pas (trop) se disperser avant que je réalise le court-circuit.
- L’expérience est reproductible avec une autre pile, ou la même une fois rechargée.
- Je fais tout cela à un moment donné dans un lieu donné avec un environnement donné qui, je pense, n’agissent à priori pas PUISQUE d’autres peuvent faire exactement la même expérience ailleurs, en un autre saison et dans un autre milieu.
On peut aussi, postérieurement à la manipulation, constater que dans certains cas la polarité de la pile a été inversée par exemple, ou que le temps de décharge a été très rapide ou très long. On s’est alors trouvé, dans cette expérience qui mangeait les piles, face à des cas atypiques, des cas qui sortent d’une certaine moyenne ; et il y a forcément oserai-je dire de tels cas. Les exceptions ne feraient-elles pas partie du phénomène ?
Saisir le phénomène consiste à le prendre pour l’expliquer dans son allure habituelle, régulière, usuelle, reproductible à souhait en le réduisant à son expression la plus usuelle, la plus commune, la plus typique.
Accueillir le phénomène, c’est s’ouvrir aux situations d’exception, reproductibles ou non et de surtout ne rien jeter qui ne soit pas en conformité avec des résultat dès lors qu’on sait avoir manipulé correctement en respectant le protocole à la lettre. [Évidemment, si on a fait tomber du café sur la plaque du microscope, on peut voir de belles choses inhabituelles, mais elles sont apportées avec un nouveau paramètre, on n’est donc plus dans l’expérience.]
Accueillir, c’est aussi entretenir sans relâche l’espace d’accueil par un approfondissement des concepts généraux, par une ouverture incessante, par une écoute, une attention à ce qui vient. Accueillir est de préférence un travail d’équipe…

L’aléa, la singularité, la particularité font partie du phénomène, aucun des « cas » expérimentaux (dans le cadre protocolaire) ne peut être mis de côté. Il faut au contraire, avant de penser quoi que ce soit, reprendre ces cas au lieu de les ignorer, essayer de les retrouver. Ainsi ce qui compte dans l’image ci-contre c’est la non existence du vert ici et le double arc là.
L’attention au détail non général…
C’est ainsi que l’effet du capteur sensible a été découvert. En ayant soin d’observer un aléa, une anormalité dans un processus, André Faussurier a pu isoler un élément responsable d’un comportement étrange au sein de l’environnement expérimental pour lui accorder l’attention nécessaire.

Rouge et rose sont d’un même capteur et enregistrés en entrée et en sortie d’un amplificateur opérationnel…
Accueillir le phénomène, c’est comme croire en l’autre au-delà de ce qu’on attend de lui. C’est donc une forme d’amour, non ?…
La question suivante est : faut-il contraindre un phénomène à parler ? Je laisse à chacun le soin de répondre.