
Imaginez un instant un scientifique qui n’est pas coupé en deux…
La plupart du temps, ce scientifique est un être humain avec sa dose de sensibilité et bien sûr de subjectivité mais aussi d’objectivité. Il travaille dur à l’établissement de principes ou de théories d’une part, et de l’autre il s’adonne éventuellement à la musique au dessin à la photo à dieu sait quoi encore. Marie Odile Monchicourt que certains connaissent pour ses exposés très clairs sur France Inter et ailleurs, a mentionné il y a quelques années une rencontre mondiale qui avait lieu au Japon où les scientifiques ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas démontrer l’existence du Chi par les méthodes occidentales.
Or, M-O Monchicourt a eu l’occasion de faire une expérience personnelle de ce Chi.
- Comment alors ne pas simplement « croire » ? Comprendre le comment devrait suffire … et ce n’est d’ailleurs pas facile.
- Le pourquoi est dans nos têtes. Il est pour nous une espèce de preuve de l’existence de notre perçu, preuve souvent toute aussi ténue que le dit perçu, et même généralement pure abstraction.
- Le pourquoi, dans sa couleur d’abstraction, est la gangrène qui réduit le monde à son expression la plus superficielle, et donc la moins proche de nous, êtres de qualité intérieure.
- Le comment, c’est une partie de notre expérience personnelle qui peut le saisir directement en cernant déjà ce qui est mis en oeuvre, d’abord dans l’apparence, ensuite dans l’environnement.
Si le scientifique a confiance en lui, en le fait qu’il soit un être humain avec des valeurs corporelles, psychiques et spirituelles qu’il ne repousse pas d’emblée dans la soi-disante obscurité de sa conscience, alors il pourra s’unir avec ce qu’il étudie comme le fait déjà l’artiste, à la différence près que l’artiste n’étudie pas de la manière dont le scientifique l’entend.
Par le biais du développement de l’artiste en lui, le scientifique apprendra premièrement la confiance en lui et en son jugement ‘subjectif’. Il trouvera écho entre ce qu’il étudie et les forces-mêmes qui font partie de lui. Il grandira la chose qu’il étudie au lieu de la réduire. Il l’aidera à s’épanouir et à se révéler, tout en se grandissant lui-même et en se révélant.
Si l’humain scientifique éprouve la confiance en la conscience individuelle de son être (sorte de ‘preuve’ interne de sa propre existence), il pourra se rallier à l’universel et savoir alors de quoi il parle. Le monde ne sera plus l’objet virtuel d’une activité intellectuelle, la pseudoréalité d’un ensemble d’abstractions (ce qu’il est déjà un peu aujourd’hui !), il sera le partenaire réel du devenir de la société humaine.
La science regarde derrière, elle lit le passé, cherche les causes, les lois, les archétypes. L’art regarde au loin, devant, vers ce qui vient. L’art est un appel du futur.
Voilà l’artéscience :
- questionner le monde (science)
- en ressentant son effet sur nous pour entendre sa réponse (art).
C’est-à-dire (sans prétention) s’orienter à être et orienter le regard d’autrui sans le former, en lui laissant toute sa liberté.
Nous ignorons ce qui peut venir de la rencontre du passé et du futur, mais nous savons une chose, c’est ainsi que se construit le présent.
La question du beau : créateur ou spectateur ?
On associe souvent l’art au beau, mais est-ce vraiment significatif.
Celui qui œuvre (artiste) inscrit son geste dans la matière avec une foule de ressentis, de compétences, de connaissances préalables et de canalisation de connaissances instantanées (perceptions intérieures au cours de l’acte = intuition).
L’artiste trouve-t-il beau, doit-il trouver beau sa réalisation, ce qu’il a rendu réalité ? Pas nécessairement, lui, il transmet sa perception du monde en le mettant en œuvre.
C’est le spectateur qui recevant cette œuvre pourra être ou non touché. S’il est touché, alors c’est beau, s’il ne l’est pas ce n’est pas beau. Le beau ne suscite pas l’émotion ; mais si je dépasse, je prolonge le lien que j’établis avec l’œuvre le degré d’émotion qui naîtra en moi donnera l’intensité du beau perçu dans l’œuvre.
Le temps ou la réflexion ne font rien à l’affaire. Parfois c’est violent : l’objet m’interpelle selon des ressources que j’aurai étais incapable d’aller chercher avec ma tête, cette tête qui aime les enchaînement, les déductions, la rationalisation. Non, le beau touche d’abord au cœur, tout l’être, dans le présent. Parfois c’est long car notre jugement doit être mis à l’épreuve et si objectivement il découvre un sens qui n’apparaît pas au premier coup d’œil, si l’œuvre recèle un secret dans la composition par exemple, alors même un esprit froid pourra trouver beau, être touché, ému peut-être, sans pour autant pouvoir définir ce beau, mais il aura trouver un prétexte.
La science n’a que faire du beau ! Mais le scientifique en tant que point d’articulation entre l’œuvre (le créé) et le maître d’œuvre (celui qui va utiliser la ressource pour ses propres besoins – ou ceux plus large de l’humanité -) doit s’ouvrir au beau, car c’est là seulement qu’il peut sonder le bienfondé de ce qu’il va réaliser : est-ce en rapport avec mon « humanité » ou pas ?
Si la réponse est « oui » alors la chose créée aura un faible impact sur la nature et un impact positif sur le règne humain. Si la réponse est « non » alors pourquoi aller plus loin ?… Sous la seule réserve qu’on vise « un bien » pour l’humanité ?! Qui sait ce qui demain sera un bien si celui qui le révèle ne l’éprouve pas jusque dans son cœur quand il le rencontre ?
Si telles avaient été les choses de la science, la bombe atomique et ce qui s’en suivit pour le bien de l’humanité (voir ici), par exemple, ne serait sans doute pas venu.
Mais SI on n’en était pas passé par là, mes réflexions actuelles n’auraient aucun sens. Et si elles peuvent en prendre un chez vous qui me lisez c’est parce que vous êtes dans l’ouverture à vous-même (cet écrit fait-il écho en moi hors toute analyse intellectuelle ? *) et par extension à notre devenir. On est descendu sous la ligne de flottaison (la sous-nature), on n’a plus aucune excuses pour nos futures erreurs !
Souvenons-nous : on reçoit avec le cœur, pas avec la tête qui, elle, ne peut envisager que le reçu.
Finissons avec Goethe : « Le beau est une manifestation des lois secrètes de la nature, qui, sans cette révélation, seraient toujours restées inconnues.«
A+
* Un texte écrit, surtout dans un blog, est extrêmement partiel. Il est une sorte de squelette plus ou moins réussi destiné à charpenter une réflexion qui a lieu ailleurs avec un autre vécu…