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Métamorphose

Article publié le 31 mars 2013.  Ce billet représentait ma communication de Pâques pour l’association scIence.

Métamorphose : voilà un mot bizarre…

 Métamorphose :  nom féminin
  1.     transformation d’une forme en une autre
  2.     transformation du corps de certains animaux au cours de leur développement
  3.     changement complet de l’aspect, de l’état, du caractère d’une personne ou d’une chose

Si l’on s’en tient à la définition on retient le mot transformation. Sous ce mot se cache celui de glissement : glissement d’une forme dans une autre. La troisième définition évoque le terme « changement complet », il semblerait bien que la on s’approche de la réalité même si dans l’apparence il semble qu’il y a eu peu de changement d’une forme à l’autre.

La métamorphose n’est pas cela, elle soutient cela mais tout comme le pied de table n’est pas la table, la métamorphose n’est pas une transformation ! C’est osé de le dire, peut-être, mais j’en suis arrivé là…

La métamorphose entraîne la transformation qui, elle, est un processus biologique édificateur, comme une réponse à une proposition. Elle se situe dans l’instant qui commence la transformation, comme un présent plus présent, une affirmation, une impulsion, le présent temporel mais aussi le présent cadeau, avant qu’on déchire le papier… Le reste est affaire de … transformation.

1) La métamorphose

On peut distinguer 3 types d’évolution :

  • La croissance peut être prise comme le développement d’une forme.
  • La transformation est donc le glissement d’une forme dans l’autre (comme on vient de le voir ci-avant), c’est ce qu’on peut réaliser en dessin animé ou suite continue d’images contigües.
  • La métamorphose, qui demeure invisible, doit être considérée comme quelque chose de plus complexe, moins « logique », échappant d’une manière ou d’une autre au temps et à l’espace.

La métamorphose est le fait qui lance le pas suivant, une impulsion disais-je plus haut mais ce terme est encore trop physique, trop technique et solide  (c’est parce que là on est en prise directe avec le Vivant, les forces, ou les champs, ou les archétypes qui sous-tendent le vivant qu’on a du mal à trouver la formulation exacte, le concept juste).

Une métamorphose est un acte instantané qui s’intègre dans le temps, qui s’insère en lui pour pouvoir créer un espace (nouvelle forme). Dans le temps et l’espace, la métamorphose est suivie d’une expansion doté d’une certaine célérité : la croissance ou la finition, la mise en place.

On peut observer deux niveaux de métamorphose que je décline comme :

  • les événements métamorphiques
  • les étapes-métamorphoses

La métamorphose est en elle-même l’apport d’une dynamique qui échappe sans doute à la conception que nous avons de l’espace-temps et qui s’appuie sur l’aspect polaire de la dynamique : l’inertie. La dynamique conduit au Vivant, l’inertie au stérile.

Pour comprendre, pensons à la rencontre des gamètes mâle et femelle. Le spermatozoïde par exemple est animé d’une vigueur hyperactive. L’ovocyte, relativement placide, chemine en paix, dans l’attente. Il attend la perforation d’un seul spermatozoïde et se ferme alors à tout autre tentative d’effraction. L’ovule est fécondé à l’instant de la perforation, avant même que les noyaux fusionnent.

On parle alors de changement de polarité de l’enveloppe externe de l’ovocyte. Le premier événement métamorphique est juste là, mais pas dans le changement de polarité : il est dans ce qui cause ce changement. Puis il y aura le second événement métamorphique qui aboutira par la fusion des porteurs de chromosomes à la lancer la multiplication cellulaire [1].

La multiplication se fait à chaque étape-métamorphose suivante : chaque cellule nouvelle se dédouble, puis elle s’étend, stoppe sa croissance et toc, nouveau départ, nouvelle métamorphose. La multiplication cellulaire est ainsi une suite de métamorphose identique, comme des marches que l’on gravit, rien ne croit beaucoup si ce n’est le nombre de cellule, c’est ce que j’appelle les étapes-métamorphoses.

Au bout d’un peu plus de 3 jours,  s’interpose dans le processus un nouvel événement métamorphique. Au stade de 8 cellules indifférenciés succède une nouvelle étape importante, qui conduit l’ovocyte à l’état dit de morula. La cellule mère évolue vers un autre niveau engendrant des cellules autres qu’elle-même : la différenciation s’affirme entre des cellules périphériques et des cellules internes. Il  y a là séparation de fonction :

  • le trophoblaste : une enveloppe protectrice qui assurera en même temps le lien au monde maternel,
  • l’embryoblaste : masse de cellules qui va ensuite être organisée (dans le sens de créer des organes) par les événements métamorphiques pour constituer l’embryon lui-même.

On pourrait continuer car le sujet est passionnant (voir embryologie humaine via tout moteur de recherche sur le web)… mais là n’est pas directement le sujet.

2) Glissons dans le règne végétal qui se met à nu le principe de la métamorphose

(Pour les origines, voir La Métamorphose des Plantes, JW v. Goethe – depuis ce temps il n’existe à ma connaissance que des écrits s’appuyant directement sur cette base fondamentale).

Voici des développements qui ne font pas intervenir des métamorphoses mais se « contentent  » de développer vers le grand jour ce qui a été impulsé dans le bouton floral :

Tout est prêt et … ça s’ouvre sans effort, enfin sans force musculaire… (bien prendre conscience de l’accélération graphique qui saccade un peu, mais sans qui on ne voit rien sans s’armer de patience… et même chez l’onagre si rapide, le mouvement ne nous apparait presque pas visuellement, il faudrait … ralentir !).

Par contre en regardant cela (désolé pour pour la « fixité ») :

blog plat

on se trouve en présence d’une suite d’étapes-métamorphoses qui semble infinie mais qu’un événement métamorphique va stopper avec la génération de l’impulsion tige, métamorphose qui projettera le futur espace floral dans les airs.

En attendant cet événement la plante de cet exemple prend son temps pour établir une base écrasante, étouffante. Chaque nouvel effort vient du bourgeon central (sommital presque sans élévation) qui attend de recevoir l’énergie de pouvoir gagner l’espace aérien. Il est intéressant de noter que les stomates (ouvertures de « l’éponge » à gaz carbonique) sont sous la feuille… on ne peut pas dire que cette plante ait envie de grandir… il lui faut d’abord s’imposer sur ce qui entoure sa racine : ce qui est dessous est littéralement étouffé ; la racine plonge un peu plus dans l’obscurité humide à chaque nouvelle génération de feuille (Vipérine). Dans le cas de notre exemple (plante bisannuelle), l’année suivante sur une base racinaire solide,  le premier événement métamorphique lancera dans la verticale le  nouveau système de feuilles (avec étapes-métamorphoses), l’événement suivant impulsera la formation florale (ici avec série d’étapes-métamorphoses des feuilles jusqu’aux pétales).

Vipérine vulgaire variété wierzbickiiVipérine vulgaire, variété Wierzbickii

Poursuivons. Comme ci-dessus, l’étape-métamorphose se retrouve aussi dans la croissance de la plupart des tiges à chaque alternance nœud/tige qui répète inlassablement la même feuille, la même séquence, puis tout à coup franchit un nouveau pas sous l’effet d’un événement métamorphique apportant l’impulsion fleur.

Chez le cerisier, qu’on voit fleurir sans feuille en avril, le cycle est malgré tout le même (feuilles puis fleurs) ; il faut passer l’hiver pour qu’éclate la floraison, en dormance depuis l’été précédent. L’événement métamorphique a généré la fleur en bourgeon et rien ne s’est produit pendant plusieurs mois, pourtant la fleur est prête !

On trouve aussi des suites d’étapes-métamorphoses où chaque étape reçoit une modification de l’impulsion comme dans les feuilles du pissenlit (dent de lion) ou comme ci-après du séneçon vulgaire :

image du séneçon vulgaire d'après Otto Wilhelm Thomé : Flora von Deutschland

Éléments du séneçon vulgaire (Otto Wilhelm Thomé: Flora von Deutschland, Österreich und der Schweiz (1885) – Permission granted to use under GFDL by Kurt Stueber. Source: www.biolib.de)

Les feuilles se sculptent de plus en plus au fur et à mesure qu’on se dirige vers la floraison. La matière semble se retirer à chaque étape pour préparer l’étape qui autorisera la génération d’un nouvel être.

3) On peut aussi regarder les métamorphoses animale et humaine…

Les formes animales coulent-elles l’une dans l’autre, comme le montre le darwinisme, à la mode d’un végétal mais sur plusieurs générations ? Rien n’est moins sûr.

Chez les vertébrés,  la métamorphose est inscrite en un seul lieu et temps, le « reste » est affaire de croissance : elle est spatialement dans le squelette qui contient et assure la forme de l’espèce.

Elle est aussi dans une autre dimension, temporelle cette fois, le temps de la vie  transformant l’espace selon le besoin de l’espèce :

  • chez l’insecte : œuf, larve, imago,
  • chez les autres animaux vertébrés ou non : enfance (+ adolescence) -|chute des dents le cas échéant (+ maturité sexuelle)|- maturité,
  • chez l’humain : petite enfance -|chute des dents|- enfance -|maturation sexuelle|- adolescence -|conscience de soi ?|- maturité -|???|- sénilité.

Chez la plante la nature peut générer des redéparts… la fleur donnant naissance à une sorte de nouvelle plante, chez l’humain aussi … les événements de la vie peuvent générer des transformation radicales sinon au niveau osseux où les choses sont relativement fixées, au moins dans les modifications de l’être (ce qui a très peu de chance de pouvoir se produire chez l’animal !).

Chez la plante on peut aussi sauter des étapes : feuille -> feuille plantule avec racines qui tombe et s’ancre sans graine tel le troublant Kalanchoe daigremontania :

kalankoe Kalankoe daigremontania

Plutôt que de simplement constater les faits, il importe de décrypter le dynamisme qui permet de passer d’un fait à l’autre, il faut s’appuyer sur l’espace qui existe entre deux images de bande dessiné : là est la pensée de l’auteur, pas dans le dessin avant ou après ni dans les bulles de dialogue… Lorsque la science trouvera accès à la métamorphose, lorsque pointera une science de la métamorphose, alors une vraie science du Vivant pourra commencer à nous parler de lui.C’est en ouvrant « l’instant » de la métamorphose qu’on ouvre la porte du Vivant pour entrer dans sa mesure et sortir de sa seule apparence, et « en même temps » le temps sort de sa condition de dimension secondaire…L’association scIence travaille dans ce sens, et cela directement à partir, non pas du vivant, mais bien du … physique !


Un article complémentaire, Trois Jeux de Métamorphose, où vous trouverez une note que je reproduis ci-dessous pour concrétiser un peu mon texte ci-dessus :

Bonjour,
merci de avoir inscrit mon blog dans la bibliographie, c’est sympathique et ça fait plaisir.
Merci aussi pour votre article largement accessible. Sa lecture m’a invité à quelques réflexions que je vous soumets.
On devrait regarder de plus près (ou mieux : en plus large…) le rapport des métamorphoses avec l’évolution de l’environnement.
Je m’explique avec l’exemple de la grenouille au début puis rapidement avec celui du papillon à la fin de mon commentaire.
Celui-ci se veut simplement contributeur car je pense qu’on devrait travailler le sujet en profondeur, il peut nous apporter beaucoup en terme de compréhension de ce que représente la vie.
En tant que têtard, la grenouille vit la mare comme un élargissement de son corps à la dimension de celle-ci.
Mais le têtard est une forme de la grenouille, pas une petite grenouille, ni une autre forme de la grenouille comme le terme de métamorphose pourrait le laisser entendre.
La grenouille est un batracien dont les premières étapes de vie sont purement aquatiques, alors que sa maturité sera aérienne même si le retour au giron maternelle est souvent le principal geste de protection.
Elle porte en elle son devenir et donc le fait de devenir terrestre à volonté : de là les pattes qui apparaissent là où une queue donnait déjà une belle et suffisante vivacité.
En fait en suivant le processus on peut voir que le milieu va agir avec ses paramètres mais nous devons bien noter que ce n’est pas lui qui déclenche la chose.
Le déclenchement des opérations de transformation relève du devenir, donc de l’être.
Ce que va apporter le milieu ce sont des critères de croissances, c’est-à-dire de développement (plus ou moins vite, plus ou moins formé, plus ou moins harmonieux, plus ou moins rempli, etc.).
Donc, en étant dans la mare le têtard est dans son nid, son placenta….
Il ignore tout du monde extérieur, mais au-dedans de lui ce qui travaillent ce sont des  »forces » nécessaires à la rencontre obligatoire et non inopinée de ce monde extérieur ; et ce sont ces forces qui déclenchent le changement, lentement dans le cas du têtard & Co mais cataclysmiquement dans le cas du papillon & Co.
Ensuite la grenouille naît pour sa vie terrestre.
Comme vous le dites : « à l’instar du papillon, la métamorphose de la grenouille lui donne accès à un tout nouveau mode de vie et de nouvelles opportunités. »
Par contre là où je vous suis moins, c’est quand vous dites juste à la suite de la phrase citée ci-dessus : « la métamorphose permet un déplacement pour partir à la recherche de plus de nourriture et d’un potentiel partenaire. »
Je ne pense pas que le plus de nourriture (elle est surtout différente, elle relève du monde de l’air) et le potentiel partenaire soit des éléments de métamorphoses, ce sont plus vraisemblablement des éléments de développement, de continuité de processus, plus que de saut dans le processus (ce qu’est la métamorphose).
Par exemple, l’accouplement doit se faire à la mode des aériens et non des aquatiques pour inscrire  »dans l’œuf » la nécessité de ce style de reproduction. C’est cette nécessité (le devenir) inscrit dans l’œuf qui active les métamorphoses dont la plus importantes et dans ce cas le passage de l’être aquatique à l’être aérien.
Vite dit ce sera de la même façon que le papillon passe de l’être  »aérien terrestre » à l’être  »aérien aérien », il ressemble d’abord au rameau, lié au sol via le tronc, puis ensuite à la fleur, liée à l’air via le pollen…. (c’est un fait pas une métaphore).

 

Fin de commentaire
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NOTES[1] – Division cellulaire : le terme de division ne parle que de scission (on voit le gâteau qu’on coupe), je préfère celui de multiplication (où un gâteau devient deux…) plus explicite et réaliste que ceux de segmentation ou clivage scientifiquement adoptés. Ces derniers une nouvelle fois ne parlent que de scission, sans doute parce que l’image est celle d’une séparation ; c’est ce qu’on retient au lieu de la fusion.

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Par Patrick ROUSSEL

Chercheur goethéen en biologie et "physique du Vivant" et bien d'autres choses comme enseignant, acteur ou potentiellement conseiller en écologie (formé)

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