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Un article du vulgarisateur mais sérieux site notre-planète.Info m’interpelle et m’invite à partager un point de vue sur les fameuses briques du vivant. Son titre, Découverte des briques élémentaires de la vie dans un jeune système stellaire suggère volontiers et en quelque sorte une origine extraterrestre de la vie sur Terre, son texte confirme hypothétiquement cette … hypothèse.
À défaut de comprendre la vie directement in situ, cela nous arrangerait bien qu’elle vienne d’un ailleurs pour lequel on peut l’habiller d’un mystère de causalité.
L’article mentionné s’appuie sur les analyses de l’observatoire ALMA d’Atacama. Il y est précisé que :
Pour la première fois des astronomes ont détecté la présence de molécules organiques complexes, les briques élémentaires de la vie, dans le disque protoplanétaire entourant une jeune étoile. Cette découverte, réalisée avec le grand réseau (sub)-millimétrique de l’Atacama (ALMA), confirme que les conditions qui ont donné naissance à la Terre et au Soleil ne sont pas uniques dans l’Univers.
De nouvelles observations réalisées avec ALMA révèlent que le disque protoplanétaire entourant la jeune étoile MWC 480[1] contient une grande quantité d’acétonitrile (cyanure de méthyle (CH3CN)), une molécule complexe à base de carbone.
Cette molécule et sa plus simple cousine, le cyanure d’hydrogène (HCN) ont été toutes les deux découvertes dans les confins froids du tout récent disque entourant l’étoile, dans une région que les astronomes pensent être analogue à la ceinture de Kuiper – le royaume des planétésimaux glacés et des comètes dans notre propre Système Solaire, au-delà de Neptune.
Fin de citation
Ce genre de nouvelle de l’astrophysique revient de temps à autre depuis en gros 2005 pour ce qui est hors système solaire. Heureusement il n’est pas nécessaire d’aller si loin que ça pour trouver des molécules carbonées ; on voit aussi du méthane (CH4), de l’éthane (C2H6), de l’ammoniac (NH3) et même de l’éthylène (C2H4, une phytohormone naturelle ici sur Terre) dans le système solaire au niveau des atmosphères des planètes géantes qui contiennent aussi de la vapeur d’eau [voir cet article CNRS datant de 1999].
Mais restons si vous le voulez bien sur notre article de départ. C’est très intéressant pour s’interroger sur ces fameuses briques du vivant (molécules qui participent à la chimie des acides aminés qui eux-mêmes composent nos protéines…
L’acétronitrile est, sur terre, un solvant synthétique, c’est-à-dire un produit fabriqué (lien et références). C’est donc intéressant de voir qu’un produit ici artificiel existe là-bas à l’état … naturel (?!). On dit de lui que c’est un cyanure organique puisqu’il est articulé sur deux atomes de carbone, mais ici s’arrête l’aspect organique, terme légèrement galvaudé à l’heure actuelle me semble-t-il.
Mais plus intéressant est le cyanure d ‘hydrogène (HCN) qui existe à l’état naturel (lien wiki). Les cyanures, sels issus de l’acide cyanhydrique, sont des composés CN –, un anion où coopèrent chimiquement l’azote et le carbone ; cet anion est évidemment lié à un cation qui lui est positif électriquement parlant
- potassium : cyanure de potassium (toxique)
- potassium, calcium, sodium : qui composés avec un ferrocyanure [(Fe(CN)6)4– ] sont employés comme additifs alimentaires, eh oui…
Dans les faits les cyanures sont issus des réactions chimique entre l’acide et desPar ailleurs, le même carbone est oxydé par l’oxygène lors de la combustion complète en gaz carbonique (CO2) ou lors d’une combustion incomplète en monoxyde de carbone (CO). Le carbone s’octroie aussi volontiers des liens avec des métaux pour former les carbures (calcium, tungstène, etc.) ou l’hydrogène pour former les hydrocarbures dont il existe une pléthore et qui sont assez connus :
- le méthane CH4 (hydrocarbure naturel le plus simple),
- l’éthylène C2H4 (hydrocarbure naturel vu comme hormone d’alerte et de maturation)
- butane (C4H10), propane (C3H8),
- essence pour nos moteurs (dont le fameux octane C8H18)
- les terpènes (C5H8)n qui existent pour certains à l’état naturel : carotène (n = 8), caoutchouc (n = n), …
- …
L’élément central de tous les composés carbonés aussi appelés composés du carbone ou composés … organiques est le carbone. On le trouve en association principalement avec 3 autres éléments fondamentaux l’oxygène (O), l’azote (N) et l’hydrogène (H).
À eux quatre, C, H, O et N fondent la plupart des molécules du vivant en association avec quelques rares autres éléments (une bonne quinzaine sur les quatre-vingt dix approximativement qui existent). Parmi ceux-ci il faut mentionner aussi le phosphore (P) qui œuvre dans les transferts d’énergie. [Nous reviendrons sur ces 5 as dans un prochain article.]
Ce que l’analyse chimique nous révèle par rapport au vivant, c’est soit les molécules en jeu au sein d’une cellule (oses, acides aminés, acides gras, etc.) soit la globalité constitutive grossière comme par exemple pour la chlorophylle :
- la formule brute donnant uniquement les proportions des éléments constituants (dépouillée de toute idée de forme) :
Chlorophylle a | Chlorophylle b | Chlorophylle d |
C55H72O5N4Mg | C55H70O6N4Mg | C54H70O6N4Mg |
- ou la structure de la molécule :
Mais vous aurez beau faire toute ce que vous voulez et bricoler avec C, H, O et N dans tous les sens vous n’obtiendrez jamais une protéine et encore moins un organite (comme noyau ou mitochondrie) ; quant à penser à un organisme même unicellulaire, c’est une paire de manche que nous ne possédons pas encore qu’il nous faudrait, puisque pour cela il faudrait comprendre la vie, ce qu’elle est, ce qu’elle représente par rapport au physique.
La question quand on découvre des molécules carbonées dans l’environnement d’une étoile (où personne n’est allé) est la suivante : est-il possible que la chimie interne d’un corps inerte soit capable de former ces molécules ? (Acétonitrile et cyanure d’hydrogène dans le cas qui nous occupe.)
Une question subsidiaire pourrait exister dans le cas où l’on saurait de quoi retourne exactement la vie : Ou bien faut-il indubitablement que des forces du vivant soit à l’œuvre ?
Les molécules centrées sur le carbone ne sont pas forcément organique. Prenons juste un exemple d’époque : pluie acide sur sol calcaire = gaz carbonique, ce gaz carbonique se recombine avec l’eau et forme un acide carbonique qui attaque le calcaire qui dégage du gaz carbonique qui en se combinant à l’eau donne un acide carbonique qui etc… Il n’y a point-là de question de vivant sauf si on voit et comprend que le calcaire lui-même, qu’on lit comme carbonate de calcium, est issu du vivant, un vivant disloqué qui a donné un résidu inerte, un vivant d’origine dont la vie n’est plus là pour entretenir une dynamique…
Si on admet qu’au sein de la dynamique chimique stellaire (nucléosynthèse stellaire) qui génère des éléments simples comme He, Be, C, O, Mg, Si, P, S, N, Fe, … à partir du seul hydrogène (d’où vient-il celui-là ?! du Big Bang…) il ne faut pas s’étonner qu’avec l’environnement calorique décrit là où on s’éloigne du centre, et de plus avec la tendance à l’accrétion, des composés carbonés se forment et donc existent, comme des composés azotés.
Tous les composés carbonés ne sont pas forcément organiques.
Ce qu’on voit ainsi dans le manteau d’une étoile n’est pas forcément originaire du vivant. Bien sûr je dis ceci en restant dans le cadre de la théorie qui pense actuellement comprendre l’origine des éléments. Mais il se peut aussi qu’une autre théorie viennent confirmer que ces corps composés sont bien issus du vivant … c’est là une autre histoire puisqu’à l’heure actuelle ce n’est pas le cas.
Citons un dernier paragraphe tiré de l’article cité en introduction:
« Grâce à l’étude des exoplanètes, nous savons que le Système Solaire n’est pas unique en son genre, que ce soit par son nombre de planètes ou par l’abondance d’eau » conclut Karin Öberg. « Nous savons maintenant que nous ne sommes pas unique en ce qui concerne la chimie organique. Une fois de plus nous avons appris que nous ne sommes pas spéciaux. Du point de vue de la vie dans l’Univers, c’est une grande nouvelle. »
Ceci est affligeant (à mon sens). Je trouve déplorable cette insistance à vouloir dire sur de telles preuves ( »simples » observations d’astrophysique décrypté sur une base bien plus théorique plus qu’expérimentale) que la vie est aussi ailleurs alors qu’on ne sait rien (et même de moins en moins pour paraphraser un certain Michel Henri, in La Barbarie, philosophe fortement décrié par la communauté scientifique orthodoxe).
ATTENTION : je ne dis que Karin Öberg se trompe, je dis simplement qu’il faut faire attention aux amalgames. « Nous ne sommes pas spéciaux » est une conclusion hâtive, un argument comme ceux qu’on reproche aux pseudoscientifiques qui de bonne foi assurent des causes malgré tout incontrôlables.
Nous avons TOUT ce qu’il faut sur Terre pour comprendre à partir de l’expérience, il est vain de vouloir aller chercher ailleurs tant que nous n’avons pas fait le tour ce qui est à notre disposition.
La suite dans la seconde partie… Penser le vivant (II) : le club des 5
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