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Réchauffement ! Encore, mais comme exemple…

Le schéma d’investigation scientifique est finalement assez simple :

  1. On observe quelque chose qui interroge.
  2. On cherche une  »explication » (observation analytique).
  3. On a une idée de corrélation.
  4. On voit si les choses qui vont avec ce quelque chose observé s’accordent avec l’idée.
  5. On valide l’idée tant que rien ne vient la remettre en cause.

Ce schéma est-il (pleinement) valable ? Tant qu’on est dans une science exacte, il semble l’être, mais avec le danger de la réduction des phénomènes à leur plus squelettique expression (réductionnisme) avec tous les risques d’erreurs que cela peut entraîner.

Un exemple ? Facile ! La découverte de l’énergie nucléaire : génial. L’utilisation montre qu’on n’avait pas vraiment fait le tour de la question pour se lancer dans la production. Or, les risques et dangers auraient du être étudiés par les premières victimes elles-mêmes  : Curie… Il suffisait sans doute de s’intéresser à la biologie à côté de la physique.

Mais observons une science non exacte par essence et entrons dans le processus en suivant le schéma d’investigation détaillé ci-dessus.

Exemple : La météo

Grand bleu, en Champagne

Observons par exemple qu’il fait plus (1) chaud le jour que la nuit. L’idée première est que la lumière solaire participe grandement à la chaleur diurne (2). On peut expérimenter avec une ampoule et ainsi prouver que l’explication est bonne, qu’elle correspond à la réalité (3). On vérifie la chose été comme hiver, printemps comme automne (4). On a su synthétiser un phénomène naturel à partir des éléments en cause.

Pour la météo, c’est autre chose… Le soleil qui chauffe le jour n’est pas présent la nuit… mais il a chauffé le jour des objets qui peuvent encore pendant un certain temps rendre leur chaleur dès lors que le gradient de température entre leur chaleur propre et la chaleur extérieure est positif. Ceci permet d’expliquer par exemple sur la côte atlantique la brise de terre du matin malgré le vent dominant de la journée avec une inversion éventuelle en fin de matinée (en côte de Méditerranée le vent de terre est dominant, alors que sur l’Atlantique c’est le vent de mer).

Les vents issus de jeux et de températures dépendent en outre et tout en les favorisant des jeux de pressions et dépendent aussi localement relief qui peut soit les dispersés, soit les canaliser et les intensifier, soit leur imposer des turbulences.

Le nombre de paramètres augmente sérieusement entre le premier exemple (observation de la variabilité des températures diurne/nocturne) et le second exemple (sens des vents). Mais ce n’est pas tout.

En météo, un autre facteur important est l’humidité. Lorsque le chaud humide (vaporisation de l’eau de terre ou de mer) rencontre de l’air froid (humide ou sec) l’eau qu’ils contiennent en état de vapeur condense, créant localement un nombre incalculable de nanodépressions (les molécules d’eau passent de l’état vapeur à l’état d’accrétion qui forme l’eau, la goutte, où l’espace intermoléculaire usuel dans l’air est réduit à néant  : en gros 22,4 litres de vapeur d’eau condense en 18 ml… soit un dès à coudre !). [Attention, ici nous ne sommes plus vraiment dans le fait pur car on apporte un élément cognitif avec le mot « dépression ». Le constat purement observationnel n’est pas possible directement, il doit être pensé à partir d’expériences, disons volontaires, en laboratoire : étude de la variabilité du niveau d’un baromètre en fonction de la pression à laquelle on le soumet.]

Voilà tout à coup bien des éléments dont le nombre rend difficile une prévision qui prend ainsi malgré elle souvent l’allure d’une prédiction… car les vents qui poussent les masses d’air dépendent eux-mêmes de ces jeux d’accrétions expansions (condensation vaporisation, AIR EAU) qu’ils participent à engendrer ! Mais, l’humidité qui donnera les précipitations (ce qui tombe du ciel) n’est pas tout, elle joue aussi avec les variations de chaleur en altitude (par exemple cet effet visible de nuages posés sur un plateau, ou encore accrochés au montagnes malgré le vent, etc.).

L’air chauffe en fonction des rayonnements qu’il reçoit et aussi de sa composition.

  • Ainsi un air plus riche en gaz carbonique est davantage lié à la chaleur. La concentration en gaz carbonique peut augmenter sans trop de peine et sans trop de risque (à part ceux que l’on connaît à long terme et dans lesquels nous sommes impliqués comme le pensent les climato-enthousiastes…).
  • Un air riche en humidité finit par saturer (autour de 15% d’humidité en fonction de la température et de la pression [1]). Cette saturation implique l’accrétion qui forme les gouttes entraînant aussitôt des nanodépressions qui se cumulant donnent la pluie (par exemple la pluie quotidienne des forêts équatoriales).
  • Le sol possède une importance capital dans le réchauffement de l’air. Un sol au printemps ou en été, sec ou humide, rocheux, tourbeux ou argileux, couvert ou nu, forêt ou prairie, etc. sont autant de facteurs agissant de façon microclimatique mais qui jouent sur le tout. Pensons aux grandes étendues de monoculture verte en hiver et au printemps, blonde en début d’été, nues ensuite jusqu’au labour et aux levées.
  • N’oublions pas l’évapotranspiration (des végétaux) et l’évaporation tout court qui sont des acteurs non négligeables dans les modifications climatiques à plus grandes échelles.
  • Pensons aussi aux incendies…

Quel a été notre processus d’investigation ?

De fil en aiguille, on rassemble les agents qui font le jeu météorologique et rendent la chose de plus en plus complexe. On tisse en même temps une toile dont l’exactitude des causes avérées se confirme tout en se précisant.

Il y a donc eu le fait : tiens le temps change ! Puis on a trouvé des causes manifestes à ce changement (chaleur diurne/nocturne). Puis on a établi des relations avec d’autres faits expérimentaux, relations avérées par des mesures comme celle de la pression atmosphérique.  Le temps change et plus on collecte de cause ayant engendré ce changement, plus on s’approche du fait lui-même, de son essence.

De plus, forts de tous ces éléments qui nous dressent un tableau du comment cela se passe, on a envie de savoir pourquoi cela agit. Et en cherchant on interprète, on trouve des lois, des relations mécanistes aisément traduisibles en langage mathématique, on trouve par exemple des explications du style la goutte tombe parce qu’elle est attirée par la planète (gravitation universelle [2]).

Quand la cause pressentie rejoint un postulat de départ, on peut alors échafauder une explication du déroulement en une suite logique de la mécanique du fait : le schéma mécaniste.

Cela ne permet pas encore de donner une théorie sur le thème, c’est-à-dire une façon de voir, car pour cela il faut pouvoir synthétiser afin d’arriver à une interprétation du réel.  Mais à partir du schéma mécaniste on peut définir des modèles mathématiques qui permettent ensuite de simuler des perspectives…

OUI, mais… si l’on souhaite passer à l’étape suivante (la théorie), peut-on en rester à l’étape de la modélisation conduisant à la simulation. Car celle-ci pour avoir une chance de ne pas aboutir à une fantaisie mais davantage à une théorie exige deux critères :

  • que les corrélations étudiées en laboratoire soient intégralement adaptées au phénomène de base et inversement,
  • que TOUS les paramètres soient enregistrés…

LA RÉVERSIBILITÉ DES CORRÉLATIONS : c’est en gros le fait d’être capable d’annuler tout hiatus entre in vitro et in vivo. Ce que je peux reproduire en laboratoire doit être le fidèle reflet de ce qui existe dans la nature, et que ce qui existe dans la nature soit totalement intégrable à l’expérience en laboratoire. D’où l’importance de ne pas réduire mais de connaître tous les paramètres et tous les agents en cause ou en relation pour telle manifestation phénoménologique.

TOUS LES PARAMÈTRES : C’est-à-dire que le modèle reproduit, sans lacune, l’original… cela n’est-il pas un peu prétentieux de penser ou faire croire qu’on parle du Réel quand on modélise des aspects météorologiques dont on vient de constater l’imbrication des paramètres (et qu’on ajoute à la sauce un théorique coup d’aile de papillon susceptible de s’amplifier ici pour donner un ouragan là-bas) ? On est donc en droit de s’interroger sur la fiabilité des simulations qui  s’accordent à crédit aux modèles.  En fait un modèle théorique élaboré à partir de la macroréalité (le Réel) c’est comme une photo par rapport à la réalité ; simuler sur lui c’est imaginer ce qui existerait volontiers comme extension à l’image…

Mamatus en Haute-Savoie
Formation de mamatus (Haute-Savoie)

Ceci dit, et concernant le changement climatique, aujourd’hui on voit, je dirais même on s’aveugle sur un seul point ou presque : l’augmentation de température. À ce point on ajoute l’intensification des perturbations (phénomènes météoriques plus brutaux, sautes de vent plus nombreuses, changement radicaux). Tout cela décrit un chaos dont on essaie de de suivre l’évolution en regardant uniquement l’évolution calorique et le drame biodiversitaire  : []1°C de plus c’est plus d’évaporation, plus de précipitations et plus d’effet de serre, plus de niveau de mer par fonte des glaces d’eau douce, le déplacement des espèces vivantes vers les conditions climatiques qui leur sont propre [3].

Le chaos actuel (cet été 2014), avec les températures nettement plus basses ici et nettement plus hautes ailleurs par rapport aux normales saisonnières doit nous interpeller sur la fragilité de la simulation… et sur les perspectives politico-économiques qui s’en suivent….

On trouvera certainement une raison en arrière-plan de tout ce qui aura été dit avant pour justifier les grands écarts de cet été boréal, et on corrigera les modèles pour affiner les simulations.

Et si pour une raison ou une autre (non avérée pour l’heure, précisons-le) le réchauffement était… terminé (ou en phase terminale). Si le chaos installé prenait le pas sur lui (le réchauffement) pour nous secouer davantage ?

Ou encore si la Terre avait simplement envie de s’ébrouer du capharnaüm engagé par l’action humaine non pas déraisonnable, mais plutôt déconnectée, trop dans une attitude anti-environnementale ?...

Car le vrai problème, la cause du chaos est là : dans l’action humaine ! L’humain, seul règne à avoir su et pu agir bien au-delà des prérogatives ordinairement animales, a été capable de créer par ses activités une influence sur le rythme de la nature. Il a élargi l’environnement de sa zone locale à la planète entière.

Études statistiques ou pas, il suffit de considérer l’évolution de l’humanité depuis seulement 2 siècles à peine et la coïncidence avec l’installation du dérèglement climatique…

  • sachant qu’on empoisonne en même temps les eaux, toutes les eaux puisqu’elles circulent et que nous le faisons à une échelle telle que la nature est incapable d’absorber le déséquilibre provoqué,
  • sachant qu’on stérilise les terres en les arrosant de poisons et d’intrants strictement chimiques (abiotiques),
  • sachant qu’on introduit dans le cycle naturel ce que la nature avait pris soin de retirer de son cycle (pétrole, charbon),
  • sachant qu’on affaiblit les sols quand on ne les bétonne pas ou qu’on ne les déforeste pas (tout ceci est même sans doute plus critique pour le chaos climatique, que le taux de gaz carbonique),
  • etc..

Existe-t-il une seule raison pour que nos agissements aient correspondu avec un rythme terrestre (ou cosmique) ? Je ne dis pas que c’est impossible, je constate, c’est tout.

Perspectives décentes concernant le changement de climat

Nous voilà donc devant un problème de taille.

Quoi qu’il en soit, l’humain a troublé l’ordre naturel, : on ne peut pas dire « je n’ai rien fait » ! C’est pourtant un fait facile à comprendre et à accepter (vous déforestez  la superficie d’un stade de foot à chaque seconde, vous injectez dans l’atmosphère des milliards de tonnes de gaz carbonique et des milliards de tonnes de vapeur d’eau — oui, j’insiste car on n’en tient jamais compte, mais elle joue beaucoup plus sur la dynamique calorique que le gaz carbonique qui, lui, est non lié à une saturation et non soumis aux contraintes pression / température normales, vous déversez des tonnes de polluant accidentellement quand ce n’est pas ouvertement, vous ne savez pas quoi faire des montagnes de déchets qui fermentent sans véritable et productive ressources à la clé, etc. vous ne pouvez pas dire je n’ai rien fait !!!).

Prenant conscience de ce fait, la « morale » voudrait que l’on corrige au plus vite notre façon de faire et de consommer. C’est tout ce qui nous appartient, même si nous dépendons de systèmes économiques qui veulent progresser à notre place et n’ont rien à faire de la nature, nature à laquelle ils n’appartiennent absolument pas autrement que par l’humain qui les fonde et les entretient.

Seule une éthique humaine et individuelle
peut agir
dans le sens d’une stabilisation du climat.

L’éthique va au-delà de la conscience pour atteindre la Conscience, celle qui est susceptible de promouvoir l’action autant que l’acceptation. L’avenir ne dépend pas des modèles ni des simulations issues de ces derniers car rien ne peut mettre en équation la faculté de réactivité de la nature ni l’obstination humaine, l’avenir des deux dépendra de la rencontre des deux.

Pour l’heure les énergies fossiles qui sont d’un autre âge doivent rester là où elles sont, et nous devrions observer à 7 fois au moins l’utilisation de l’énergie nucléaire avant de continuer (pendant ce temps on aura 7 fois l’occasion de vraiment penser autrement ce que représente l’énergie…).

Un ajout à la démarche scientifique actuelle

Pour en revenir à l’introduction, si l’on observe les 5 points, on voit que les 4 derniers sont trop humains… tout le travail semble partir de l’observateur, alors que le phénomène part de la nature. Expliquer, c’est déplier, décortiquer, on perd la substance de la chose en l’état.

André Faussurier [3], co président avec moi-même de l’association scIence, se motive dans sa science en décalant d’un cran la chose : au lieu de l’observation analytique (précédemment, étape 2) il préfère l’accueil pour lequel il plaide depuis les années 1970. C’est-à-dire encore un cran de passivité humaine pour que le phénomène observé, puis perçu sans barrière de préconception, de lien, de rattachement à des concepts solidement ancrés, ait la capacité de résonner avec toutes ses subtilités non apparentes. Et ensuite on peut… raisonner !

L’observation (précédemment, étape 1 et présentement, étape 2) correspond à un inspire. L’acceptation, préalable à une explication (puisque nous avons soif de cette dernière) ne peut se faire sans un terrain de neutralité entre le phénomène observé et l’observateur. C’est un terrain d’accord, de résonance qui doit s’ouvrir, sans aucune aspiration, sans préparation théorique. C’est un terrain ouvert sans aucun préconçu, sans aucun préjugé, sans aucun espoir. Un terrain passif où l’activité développée par le phénomène forge son propre écho dans l’âme de l’observateur.

La démarche scientifique devient alors :

  1. On relève quelque chose qui interroge (activité = attention).
  2. On accueille dans la paix intellectuelle tous les éléments (activité = jeu observation/perception, inspire, appropriation).
  3. On laisse résonner l’image de ce qu’on a accueilli, cette image peut alors appeler ou former une idée, éventuellement totalement nouvelle (imagination en attente de l’inspiration).
  4. On voit si les choses qui vont avec ce quelque chose observé s’accordent avec l’idée.
  5. On valide l’idée tant que rien ne vient la remettre en cause.

Bonne méditation… et à +, chers lecteurs.

Patrick R.

 


 

Note

[1] Quand on lit 100 % d’humidité cela signifie qu’on est à 100% de la saturation, c’est-à-dire que les 15% d’humidité dans l’air sont atteints : les gouttes se forment. À 98% on est très humide mais cela ne suffit pas à former la nuée. Le moindre coup de frais ou d’humidité supplémentaire aidera le passage au 100%. L’air plus chaud tolère plus d’humidité que l’air plus frais, voilà encore un paramètre qui évolue très vite avec le temps : il pleut, cela refroidit l’atmosphère dont l’humidité sans doute déjà élevée risque de franchir la saturation, creusant la dépression et augmentant de fait le refroidissement jusqu’à ce qu’un équilibre soit trouvé. [retour texte]

[2] Les vitesses de chute dépendent de la taille des gouttes que l’air soutient (le nuage flotte !) :

  • BROUILLARD tombant : diamètre 0.006 à 0.06 mm  (vitesse de chute 0.001à 0.1m/s),
  • BRUINE : 0.06 à 0.5 mm (vitesse de chute: 0.1 à 2 m/s),
  • PLUIE : 0.5 à 3 mm (vitesse de chute 2 à 8 m/s),
  • AVERSE : 3 à 6 mm (vitesse de chute : 8/9 m/s).

Données : Techniguide de la météo, Jean-Louis Vallée (Nathan)[retour texte]

[3] Notons au passage que l’augmentation du niveau des mers ennuiera surtout les espèces animales sédentaires, c’est-à-dire, euh… je n’en vois pas ! Il n’y a donc que l’humain qui s’est économiquement ancré au sol qui est menacé ! Comme quoi il n’est pas un animal, car il n’a pas su prévoir qu’il creusait sa propre tombe en s’installant au plus près des lieux de ressources. [retour texte]

[4] André Faussurier : autrefois à l’Université Catholique de Lyon et au CNAM (Lyon). Il a activé pendant les années 70 le CRESE, sans doute un des premiers Centre de Recherche et d’Études Scientifique sur l’Environnement. En retraite depuis bientôt 30 ans il travaille encore sur le sujet du capteur sensible. [retour texte]

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Par Patrick ROUSSEL

Chercheur goethéen en biologie et "physique du Vivant" et bien d'autres choses comme enseignant, acteur ou potentiellement conseiller en écologie (formé)

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