Temps de première lecture : env. 12-15 minutes (sans écoute de l'émission ni lecture de la page liée.
A lire en préambule : Émission sur France Culture à propos des pseudos sciences.
émission « La méthode scientifique » du 07/09/2017 par Nicolas Martin
Pseudo-sciences : les raisons du succès
Avec Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université Paris Diderot, et membre du comité de parrainage scientifique de la revue “Sciences et Pseudo-Sciences” et Henri Broch, professeur de biophysique théorique à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, fondateur du laboratoire de zététique de l’Université de Nice.
Suite à l’écoute de cette émission, je me dois de réagir.
Prenons en compte le paragraphe d’accroche de la présentation de l’émission. On nous dit in extenso :
C’est parce qu’Isaac Newton a formulé sa théorie de la gravitation qu’Einstein a pu la réfuter pour proposer sa théorie de la relativité. C’est grâce à ces théories, entre autres, couplées à celles de la thermodynamique, que nos civilisations ont pu envoyer des satellites pour observer l’espace, ainsi que la Terre. C’est également grâce aux progrès spectaculaires des mathématiques et de l’informatique que nous avons, grâce à ce réseau satellitaire, en permanence un accès inépuisable à l’information, et à la connaissance du monde. Et c’est grâce à cette longue histoire de progrès scientifique que fleurissent et se répandent, aujourd’hui sur internet, les théories les plus obscures, de la Terre plate au créationnisme. Va comprendre.
Oui, effectivement, va comprendre…
Et ce que je comprends, c’est que notre monde est binaire, dual, polaire ! Enfin, c’est ainsi que la chose est présentée. Ce n’est pas forcément ainsi qu’il faut la voir… Reprenons tout d’abord les éléments phares de cette accroche comme des mots-clés que nous allons étiqueter :
Newton, Einstein, thermodynamique, satellites, espace : sur cette base on considère le monde.
Mathématiques, informatique, réseau, information, connaissance : avec ces moyens, on peut savoir.
Progrès ↔ obscurantisme : jugement, opposition plus que dualité.
Somme toute ce qu’on nous présente a déjà été formulé il y a 2000 ans… (Matthieu 12.30) :
Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne rassemble pas avec moi disperse.
On devrait s’étonner de ce parallèle entre des lignes qui ne se ressemblent pas. Deux courbes identiques ou deux droites, voire des segments des unes ou des autres, peuvent être parallèles mais pas une droite avec une courbe. Cette métaphore suggérée entre introduction à une émission de radio en 2017 et un fait divin rapporté il y a presque deux millénaire peut sembler obscure. La science n’a rien de divin, elle est un moyen, exclusivement humain, de chercher à comprendre le monde. La religion aussi, sur d’autres voies, mais là n’est pas le propos.
Ce que je lis dans cette introduction est un malaise de voir aboutir avec tant de belles briques à une sorte de construction catastrophe. Mais c’est tout l’édifice qui est peut-être fragile parce que le maître d’œuvre croit en une exécution rationnelle sans s’être assez préoccupé des encadrements de fenêtres qu’il a laissé. Les données de la science ne sont pas verrouillées, closes, mais ouvertes car la certitude ne fait pas foi ici. Tout peut dès le départ être remis en question, et on entend certaines remises en question (Newton réfuté par Einstein) mais on n’accorde pas de crédits à d’autres remises en question (Newton par Goethe comme exemple tout à fait anodin sur ce blog…).
Einstein avait un argument très « solide : les mathématiques que Goethe n’avait pas (et dont d’ailleurs il n’avait cure).
La science n’a pas d’appartenance, elle ne peut relever d’aucune église particulière. La science est une démarche qui comporte des méthodes d’approches pour appréhender les choses du monde. La science actuelle, un peu auto officialisée tout de même, possède des méthodes qui ont fait leur preuve surtout quand la validation mathématique la soutient. Prenons un exemple pour montrer d’emblée les limites de la science… :
J’ai 3 et 4, ce sont des phénomènes faisant partie d’une même classe. Je peux les considérer séparément, les garder comme tels, et je n’avance pas beaucoup. Mais je peux aussi étudier leur relation à travers différentes fenêtres et les mettre en commun dans des considérations logiques qui me porteront à dire :
- on retrouve 3 et 4 dans 7
- on retrouve 3 et 4 dans -1 et dans 1
- on retrouve 3 et 4 dans 0,75 et dans 1,3333_
- on retrouve 3 et 4 dans 12
- on retrouve 3 et 4 dans 11 et dans 10 (mais pas dans 9 ou 8)
- on retrouve 3 et 4 dans 81 et 64
- on retrouve 3 et 4 dans 1,316… et dans 1,587…
- on retrouve 3 et 4 dans le tétraèdre ou le trièdre rectangle
- …
En fait tout est dans les points de suspension annonçant les possibilités non encore inventoriées ou découvertes ! Ils représentent tout ce à quoi on n’a pas encore penser qui peut mettre en commun 3 et 4.
Parfois (et même généralement) la science ne pense pas à tout… elle laisse des ouvertures soit par désintérêts, soit par ignorance ou innocence. De là à dire : il y a la science et les pseudos sciences, il n’y a qu’un pas qui relève davantage de l’arrogance que de l’humilité. La science, le besoin de savoir et connaître les choses de notre monde, n’appartient à la Science, disons à une Science qui s’autoproclame.
Il y a sans doute une foule de hiatus dans les conclusions énoncées avec la méthode scientifique validée et reconnue, et parmi ces hiatus, il y a deux possibilités :
- on leur fait dire n’importe quoi (opportuniste fondant la pseudo-science)
- on s’interroge sur leur existence (science en route, qui cherche et se cherche jusque dans ses méthodes).
N’y a-t-il par exemple qu’une seule méthode scientifique comme le laisse penser le nom de l’émission (LA méthode scientifique) ? Fort heureusement non, mais ce ne doit pas être non plus l’anarchie ! Toutes les méthodes doivent être valides, ou validées, pour que les conclusions soient acceptables en l’état actuel des connaissances corolaires si j’ose dire.
Et qui valide ? Un ensemble conséquent de pairs ? Quelque autorité grise en la matière ? Un regard sain et objectif sans a-priori, neutre de tout esprit de clocher ?
Est-ce parce qu’on ne sait pas trouver des protocoles fiables « scientifiques » qu’on peut invalider une méthode thérapeutique que des gens appliquent avec des résultats, c’est-à-dire des faits observables, constatables, et donc étudiables… (sans jeu de mots « es-tu diable ? » !) ? (L’homéopathie est traitée de pseudoscience et avec virulence dans l’émission même par l’animateur qui ne joue donc pas son rôle !)
Est-ce que la méthode scientifique, établie et validé, est apte à faire preuve de vérité et donc à ne pas accepter de remise en cause des conclusions qu’elle a établi ? Bien sûr que non.
La connaissance n’appartient pas à la science, et donc tout ce qui n’est pas cette dernière dans son caractère universitacadémiste (terme combinant université et académie officielles, instruites, reconnues, autoritaires en leur domaine) a aussi le droit de faire sa science. Et après, on discute, on confronte, on conforte, on affirme, on infirme, on remet l’ouvrage sur la paillasse et proposant aux scientifiques d’expérimenter et d’argumenter, à des citoyens (non formés) d’expérimenter et d’argumenter, à des dits pseudos scientifiques, tous ceux qui ne font par partie des universités mais de l’universalité des points de vue d’expérimenter et d’argumenter, voire à des artistes d’expérimenter et d’argumenter.
Le physicien ne peut pas dire « Dieu n’existe pas, il n’a pas de place dans l’atome » de même que le philosophe déiste ne peut pas nier l’existence de l’atome en tant qu’élément ultime d’une matière donnée. Pour nier une chose… eh bien il faut la posséder, sinon il faut l’accepter et la mettre dans l’environnement de travail et accepter que Dieu soit peut-être dans le vide atomique, seul espace non spatio-temporel qui donne sa raison d’être à la matière*.
Oui, vous aurez sans doute relevé le contresens : pour nier une chose il faut la posséder… mais voilà qu’à terme je ne peux plus nier que je possède quelque chose ! On peut ainsi montrer qu’annoncer que 4 et 3 font 8 (pourquoi pas ?!) relève d’un sensationnalisme qu’il faudra étayer solidement soit par des sources avérées et revérifiables, soit par des faits valides mais en aucun cas par des cautions plus ou moins boiteuses (« le professeur Simpson, de l’université Matt Groening à Springfield (Oregon), a trouvé nos travaux pertinents…« ).
En science comme en art, la critique est facile, et l’étiquette aussi, validante ou invalidante, Nobel ou ig-Nobel) mais derrière il y a parfois des êtres de toute bonne fois qui s’impliquent avec une sincérité débordante dans leurs observations et tentatives d’explication. Les classifier, c’est les juger, et les juger c’est peut-être les détruire ou priver l’humanité d’une porte qui s’ouvre. Le droit à l’erreur existe mais pas celui de fournir de fausses valeurs pour valider des expériences
Que les physiciens s’expriment dans leur domaine, même s’il est parcellaire, et qu’ils s’y cantonnent, mais pitié, qu’ils ne jugent pas les travaux d’autrui sans y avoir mis les yeux, le nez, leur activité pensante en considérant objectivement des expériences (à faire, bien sûr). Ce sont les science fermées, cloisonnées qui laissent bien souvent la place aux pseudosciences, et encore faut-il s’entendre sur la définition de ce mot qui pour l’heure englobe tout ce qui ne fait pas partie d’une sorte d’église Science.
Comment ? Vous dîtes ?… Un exemple ? Mais bien sûr, il revient régulièrement sur ce blog.
J’affirme que la lumière n’est pas composite mais que, dans un phénomène de déviation prismatique si on la confronte à de l’obscurité alors elle engendre des couleurs différentes selon la direction de déviation parce que l’obscurité cadrant le flux lumineux est aussi déviée :
- d’un côté, là où la divergence est la plus grande, une portion lumineuse est amenée à se mêler à de l’obscurité qui elle ne réagit pas autant à l’incidence du prisme ; la lumière investit l’obscurité, la repousse, et leur rencontre engendre alors les tons froids selon le rapport de « présence » de l’une et de l’autre (cyan clair à bleu sombre),
- et de l’autre côté, là où l’on s’éloigne le moins de l’axe d’incidence originel, où le trajet dans le prisme est au plus court, où l’obscurité de la matière prismatique accompagne peu l’obscur encadrant le faisceau et cède volontiers le pas à la lumière déviée peu déviée donc riche de sa force, encline à poursuivre son trajet le plus court, les couleurs chaudes sont engendrées selon le rapport de « présence » (jaune évanescent à rouge sombre).
La même expérience prouve que le vert de l’arc-en-ciel prismatique est la seule couleur qui n’en est pas une et qui est directement composée : il suffit d’ajuster la largeur de fente lumineuse et la distance de projection sur écran ! le vert est une extinction des couleurs les plus lumineuses qui se rencontrent (ce qui entre autres nous permet de comprendre pour les feuilles sont à prédominance verte…). Le dégradé jaune-rouge et le dégradé cyan-violet sont les lots-couleurs résultant de l’expérience de déviation prismatique au sein d’un milieu avec indice de réfraction non continu. Il y a le prisme, ce qui est avant et ce qui est après, et il y a la fente de lumière divergente limitée par une obscurité.
La même expérience pratiquée à l’inverse, canal obscur au sein d’une enveloppe de lumière, nous montre le magenta comme fruit de la réfraction… (le cas échéant d’une combinaison du bleu sombre avec le rouge sombre composant une lueur magenta très vive).

Cette expérience a été faite par Goethe (oui, Le Goethe allemand, dans son Traité des couleurs) et ne s’appuie sur aucune théorie ni corpusculaire, ni ondulatoire, ni corpusculo-ondulatoire. C’est une expérience : il suffit d’avoir un prisme dans la main et de regarder à travers ou d’y projeter des diapositives si on veut !
Goethe n’est même pas considéré comme scientifique (bien qu’il se soit exprimé bien plus largement qu’en littérature et dans une foule de domaines), et pas davantage comme pseudoscientifique d’ailleurs. Par contre Rudolf Steiner qui a tenté de mettre en avant la démarche goethéenne comme méthode scientifique à l’époque où la science devenait très théorique et matérialiste est généralement qualifié de pseudoscientifique… malgré sa formation. Comprend qui peut… On prend certainement le risque d’être déclassé lorsqu’on commence à s’ouvrir en dehors d’une certaine orthodoxie sous-entendue mais imposante.
Finissons avec la citation de Karl Popper (philosophe des sciences) : « Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. » (Source non citée) Ce n’est qu’une citation sortie de son contexte mais qui placée là fait office d’autorité. Hormis le fait que l’éminent Popper se rapporte ici à la théorie plus qu’à l’événement, le phénomène, ce propos m’amène à me poser certaines questions :
- jusqu’où la science doit-elle être théorique ? (Sachant qu’une théorie n’est finalement qu’une façon de voir.) La science ne devrait-elle pas se contenter de l’expérience et de la question ? Que veut dire in fine expliquer un phénomène ? (C’est le déplier, le décortiquer, le dépouiller de sa nature propre : quand on a éparpillé une grenouille… on n’a plus la grenouille…)Cette volonté de tout vouloir expliquer est une particularité humaine… c’est le moyen d’aller de l’avant, d’évoluer à partir de ce qu’on a compris, mais ceci dit aucun progrès ne naît vraiment d’une théorie, il naît éventuellement de l’expérience peut-être motivée par cette théorie…
- Qu’est-ce que le caractère scientifique ? (Sachant que j’ignore totalement ce que Popper — ou son traducteur…&mdash entend par cela ; mais pour moi tout mérite (ré)étude…)
- jusqu’où peut-on être sûr d’avoir fait le tour des événements concevables autour d’un phénomène ? (Sachant qu’on adopte en général une conception événementielle en fonction de sa propre culture.)
Si j’ose prendre un contre-pied, je place volontiers en face de ce Popper un autre philosophe, Michel Henri, qui dit (tiré de « La barbarie ») : « La destruction de l’Université par le monde de la technique revêt une double forme : c’est d’abord l’abolition de la frontière qui, à titre d’indice de leur différenciation fonctionnelle, séparait jusqu’à présent Université et société ; c’est, en second lieu, cette barrière une fois abattue, l’irruption de la technique au sein même de l’Université et l’anéantissement de celle-ci en tant que culture. »
J’aurai personnellement dit lieu de culture plus que culture. Mais bref, depuis le début du XXe siècle la science devient à la fois théorique et technique, et d’autant plus en cette entrée dans le XXIe. Il ne faut pas s’étonner alors que la place laissée libre soit envahie de toutes sortes d’idées sans foi ni loi et que la crédulité alimente de plus en plus l’argumentaire en lieu et place d’une naïveté interrogative. Le fondamentale est laissé pour compte et donc certains s’en emparent.
Le sujet de l’homéopathie discutée dans le reportage (à partir 20 minutes) est intéressant à plus d’un point dans ce thème. L’homéopathie ou l’ostéopathie ne sont pas des sciences… dit-on ici comme si elles avaient dit qu’elles en étaient (la médecine en est une, mais la dilution homéométrique est une pratique médicale, et la mobilisation des fascias pour relâcher des tensions par exemple en est une autre, mais bon…).
L’homéopathie n’a pas fait ses preuves est-il dit… et donc elle ne devrait pas être remboursée par la sécurité sociale (SS), mais celui qui y croit en tire un bénéfice (qui ne coûte pas grand chose à la SS et évite les techniques médicales onéreuses validées scientifiquement…) : on est là dans la science ?!!!
On parle de marché des idées… On parle aussi des autorisations de mise sur le marché dont se passe l’homéopathe (ah bon !!! exemple : HARPAGOPHYTUM Weleda, degré de dilution compris entre 2CH et 30CH ou entre 4DH et 60DH, AMM 66126900 délivrée le 21 mai 2013 par l’ANSM). La critique est rude…
« L’homéopathie ça marche, c’est un effet placebo optimisé, mais il n’y a pas de principe actif à l’intérieur, ça marche mais pas pour les raisons qui sont indiquées.«
- Effet placébo optimisé… : c’est un jugement pas un argument.
- Pas de principe actif à l’intérieur : que savons des causalités et modalités des principes actifs tant qu’on mécanise le vivant pour le comprendre ?…
Quelle démarche scientifique pour infirmer un argument !!! Va comprendre…
Nous sommes au début d’un monde qui ne croit plus en lui et on ne peut prédire quand cela sera devenu irréversible. La science doit rester science et ne pas faire autoritairement l’erreur de se placer dans le mouvement de la société tout en l’impulsant lentement vers la sortie par la négation des ressources du vivant et surtout de celle de l’humain.
Heureusement certaines des pseudos sciences, au point de vue de la Science, travaillent loin des colifichets ou autres faux-semblants sensationnalistes. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain…. et gardons en mémoire le cas Bénveniste avec la mémoire de l’eau et la reprise de ses travaux par Montagnier; rappelons-nous Wegener et sa fantaisiste dérive des continents par laquelle on justifie tant de choses aujourd’hui.
Octroyons aux intervenants de l’émission le bénéfice de l’innocence… et à l’animateur celui d’un défaut de neutralité ingénue…
Bien à vous
NOTES :
* Oui, je sais, je provoque un peu, qu’on m’excuse, ce n’est pas par méchanceté mais plutôt par aigreur vis à vis d’un énorme manque d’humilité de la science qui valide déjà avec peine ce qu’elle voit mais nie ce qu’elle ne voit pas.