L’époque actuelle est semblable à une sorte de crise identitaire de l’humanité. Que représente l’humain ? Quelles sont ses véritables forces, capacités, aptitudes ? Pourquoi l’humain ? Qui est-on ?
Pour répondre à ses questions l’humain en question prête un peu trop foi (à mon goût) aux preuves par la technologie et la science qui tire ses conclusions pour nous, façonne ses postulats, s’aveugle sur la puissance de ses technologies.
Nos moyens non destructifs d’investigation au sein des processus cérébraux sont tout simplement extraordinaires. C’est une performance à nombreux titre. Mais est-ce une solution de réponse aux questions existentielles ? Est-ce une preuve d’objectivité holistique ? Non !
Pour ce billet, tout est parti de cette phrase à l’allure anodine relevée dans une vidéo d’Arté (« La face cachée des énergies vertes » lien valable jusqu’au 22 janv 2021). Caricaturons-là afin d’en révéler le sens :
je mange DONC je mastique
et le fameux « Je pense DONC je suis »
Je vois à vos regards éblouis que oui, vous avez compris… Est-il besoin d’en rajouter ? Bon, d’accord, je poursuis :
DONC est une conjonction qui ouvre l’argument précédent pour mettre un terme à un raisonnement, dynamiser une affirmation, appuyer un étonnement :
D’emblée je donne une première réponse pour colorer la suite… : l’art est avant toute chose un acte, c’est le passage entre la prise de contact avec une réalité suivie d’une traduction (œuvre d’art) à l’usage d’un spectateur.
Pour ce dernier mot le CNTRL propose de remonter au latin spectator « celui qui a l’habitude de regarder, d’observer ». Cela ne vous dit-il pas quelque chose ??? Mais poursuivons sur l’art !
L’œuvre d’art n’est pas de l’art mais son fruit. Elle est une œuvre comme son nom l’indique et pas forcément un chef d’œuvre… ; c’est donc un ouvrage, le résultat d’une manipulation de matière.
L’œuvre est créée par un artiste qui tente de montrer ce qu’il a perçu d’une tranche de réalité, qui tente de parler de ce avec quoi il a été en contact. L’œuvre est le »texte » à destination du « lecteur », comme par exemple le pont qui s’inscrit dans le paysage, le tableau qui parle d’un invisible, le poème qui efface le froid de la pensée, etc..
L’art est un moyen de passage entre une perception et un spectateur (éventuellement, ou surtout, soi-même).
Cette »perception » peut avoir trouvé naissance dans le Réel ou dans l’imagination de l’artiste. L’artiste, c’est-à-dire le réalisateur, est celui qui œuvre, qui fait l’œuvre, qui réalise l’ouvrage ou en pilote le cheminement. L’artiste est celui qui a une perception finale de comment il veut traduire ce qu’il a perçu peut-être très fugitivement. L’artiste est aussi celui qui met en valeur une œuvre, l’exprime, lui donne forme, rondeurs et angles avec son pinceau, son crayon, son ciseau, sa voix, son corps, l’instrument de son choix.
Instrument : Empr. au lat.instrumentum « mobilier, ameublement matériel, outillage », dér. de instruere, v. instruire. Instruire : Empr. au lat.instruere « assembler dans, dresser; munir, outiller », sens qui subsiste dans l’ancien français estruire « construire » en face du sens plus fréquent de « instruire » qui apparaît en latin à l’époque impériale. (CNTRL)
Le spectateur ne voit pas forcément l’instrument mais le dessin, le personnage qui se forme ou qui est abouti. Il a lui aussi une perception. Mais le perçu qui découle de cette perception n’est pas d’origine naturelle. L’objet perçu est déjà une synthèse colorée, fantaisiste ; peut-être est-ce même une création issue d’une envie de partager, de montrer, de rêver.
[On regardera aussi cette vidéo, presque trop réelle...]
Dans le spectateur qui admire, regarde, détaille, médite, etc…. l’origine de l’œuvre se recrée plus ou moins parfaitement, plus ou moins complètement. Et ce qui a touché l’artiste touche peut-être le spectateur. L’art est à double sens. Le spectateur peut être trompé si l’idée de départ été de s’amuser avec les perceptions (avec art comme ici ou là… ou bien technique comme ici) voire d’idéaliser ou de tromper comme ici ou là.
Les liens dirigent vers 2 photos et 3 vidéos qui s'ouvrent dans une nouvelle fenêtre.
Si l’on brasse un peu tout ça on voit qu’il y a de la mise en forme de quelque chose qui n’en a pas forcément au départ qui sera mis à destination de quelqu’un qui observera cette chose ! Ce dernier devra pouvoir en faire »lecture » correctement.
L’art est simplement la façon la plus subjective de montrer quelque chose, c’est-à-dire qu’un »je » tente d’exprimer pour d’autre »je » comment lui il reçoit, ressent et interprète la chose.
La subjectivité est l’interprétation personnalisée de quelque chose par un sujet, un individu. La subjectivité, lorsqu’elle est travaillée, est en fait une appropriation, une incarnation d’une part du Réel dans un être lors de son premier stade de réalisation, de sa prise de conscience, de sa prise de réalité. La subjectivité va permettre de trouver une apparence pour la perception, de l’habiller surtout si c’est un concept immatériel.
L’artiste est un interprète du Réel qui se base sur l’imagination, l’inspiration, l’intuition, donc ce qui passe par lui à partir de son observation du Réel. Pour réaliser, rendre réel ce qu’il perçoit, il utilise un instrument qui lui permet de manipuler la matière vers la perception parfois confuse d’une finalité, d’une sorte d’appel à la concrétisation.
La question de la fantaisie
Nous voilà devant l’os ! À partir de quand une œuvre parle-t-elle du Réel ? Et jusqu’où la fantaisie l’habite-t-elle ? Comment la parure masque-t-elle le fond de la chose, le concept s’il en est ? Et la créativité dans tout ça ?…
Le scientifique, puisque tout le cheminement artistique suivi jusque-là vous aura certainement semblé en porter aussi la mission, le scientifique a trouvé la solution : son instrument est le langage mathématique qui esquisse en quelques lignes une structure, une ossature la plus rigoureuse, la moins fantaisiste possible d’où parait avoir été éludée la subjectivité.
La substantifique moelle du concept devient ainsi nue voire transparente.
Par exemple, la force n’est pas le taureau mais une flèche qui en détermine la direction, un point d’origine, une intensité : le vecteur, c’est-à-dire le moyen de représenter un invisible sans lui offrir de parure fantaisiste (un taureau par exemple) pour en arriver comme ici à un code totalement synthétique. Car il ne faut pas s’y fier, le vecteur n’est pas objectif, puisqu’il n’a pas de tendance à être objet, il ne peut même pas l’être, tout au plus c’est un dessin (une force n’est absolument pas un flèche, qu’on se le dise et se le répète !) !
Le vecteur est totalement subjectif… et il n’a rien d’impartial, il est le fruit d’un besoin de raccourcir un ensemble d’idée issue sans doute de perception.
Là où le taureau fantaisiste parle à tout le monde sans trop de précision puisqu’un autre artiste d’une autre culture y verra un éléphant, le scientifique se crée un langage stricte, universel, impersonnel, un peu froid aussi… comme les espaces intergalactiques on ajoute de l’émotion, c’est-à-dire un réveil d’une force qui est en soi susceptible de faire écho à ce détail de l’œuvre. La représentation mathématique dépouille le Réel et de son apparence et de sa réalité et de l’émotion qu’elle pourrait pourtant susciter ; la flèche de l’amour est la même que celle du canon…
Mosaïque du VIe siècle, synagogue de Beit Alpha, Israël. abbaye-saint-hilaire-vaucluse.com
Mais c’est pratique, et heureusement qu’on a les mathématiques. Là où ce n’est pas pratique, c’est quand on tente de faire dire aux mathématiques que les lois qu’elles décrivent sont la réalité. C’est un peu comme si le sculpteur pensait que son œuvre est dans sa gouge subissant le coup de maillet ici ou la douce pression de la main là.
Derrière une œuvre d’art, il y a une culture mais le lecteur peut être d’une autre culture. Avec les mathématiques, il n’y a pas de culture, mais éventuellement des écoles. Il faut être formé à leur langage qui n’est donc pas aussi universel que cela, car il est rare qu’une équation parle à l’âme du quidam…
Oui, c’est beau cette égalité (plus qu’une équation…) qui se contente d’ajouter 1 pour trouver 0 au lieu de dire que 2,71828182846… i . 3,14159265359…. = -1 c’est-à-dire i².
C’est autre chose que Kandinski ou Monet voire une simple croûte…
Quant à la créativité scientifique, elle va s’exprimer non pas dans les délires (les visions d’artistes) mais dans les réalisations techniques plus ou moins bienvenues, opportunes (radiographie sur l’idée des rayons X de Roentgen, ou dopage cellulaire des OGM).
La créativité artistique de son côté n’a pas de limite puisque le résultat possède une infinité de formes qui toutes parleront de toute façon et toujours d’une tranche de Réel, celle de l’artiste…
Pour finir
Oserai-je dire ici quelque chose qui risque de m’attirer bien des regards de travers ou des doigts pointés ? Oui car on est ici sur un blog de science objective et que je suis convaincu qu’il en va ainsi :
La science est la fille dévêtue de l’Art.
La science est un art intellectuel, une description du monde qui ne concède aucune place à la fantaisie créatrice ; et heureusement car on aurait bien du mal à nous y retrouver si le vecteur était un taureau ou l’éléphant, la baleine, le venin du scorpion, etc. !
Pour le bien de l’humanité et de sa planète, osons offrir à la science
le vêtement de ce qui passe par nous, observateurs, spectateurs, acteurs, constructeurs, etc. et artistes dans l’âme,
ce qui, méditativement, se colore des arrière-plans du monde physique que l’on pressent mais que l’on ne conceptualise pas forcément,
ce qui sera auréolé de nature humaine* et risquera ainsi moins d’aller contre elle et la nature en général !
La science et l’art doivent partager les mots suivants :
ouverture, accueil et sans doute
Amour
Bon, sur ce, je m’en vais sur la pointe des pieds et vous laisse à vos … méditations, ou alors à ce clin d’œil magistral de l’art sur l’art (allez bon visualisation !)
* Nature humaine : On définit bien mal cette nature humaine dans la science actuelle qui définit aussi bien mal la nature tout court. Disons en un seul mot ce qui peut permettre de la comprendre. La nature humaine est ce qui se reflète en chaque individu par son tronc commun : l’humanité (sur wiki on trouvera matière à méditer mais en bien d’autres lieux aussi, ce qui compte étant de se faire un avis strictement personnel (art) à finaliser ou non dans la réalisation d’une œuvre (éventuellement sa propre vie…).
Imaginez :
Vous vous liez à ce que vous voyez, ce que vous approchez, et vous le transformez, un peu beaucoup, pas du tout (mais vous le reproduisez tout de même), et petit à petit, vous voyez autrement le monde.
Et les choses et les êtres deviennent plus beaux, plus grands pour vous parce que vous avez été touché(e), ému(e), mobilisé(e) dans votre âme. C’est bien.
Mais surtout les choses et les êtres deviennent plus beaux, plus grands PAR vous. Et l’autre commence alors à regarder le monde à sa manière grâce à votre manière de le voir parce que ce que vous avez fait d’un morceau de monde l’a touché.
C’est de l’art.
Imaginez un instant un scientifique qui n’est pas coupé en deux…
La plupart du temps, ce scientifique est un être humain avec sa dose de sensibilité et bien sûr de subjectivité mais aussi d’objectivité. Il travaille dur à l’établissement de principes ou de théories d’une part, et de l’autre il s’adonne éventuellement à la musique au dessin à la photo à dieu sait quoi encore. Marie Odile Monchicourt que certains connaissent pour ses exposés très clairs sur France Inter et ailleurs, a mentionné il y a quelques années une rencontre mondiale qui avait lieu au Japon où les scientifiques ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas démontrer l’existence du Chi par les méthodes occidentales.
Or, M-O Monchicourt a eu l’occasion de faire une expérience personnelle de ce Chi.