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Vers un monde moderne

À l’issue des 3 articles précédents* mettant  en cause l’apparence de modernité de notre époque, il me faut mettre la pendule à l’heure pour décrire comment aller vers l’étape que je qualifie volontiers de post-matérialiste.

Après le XIXe siècle qui s’interrogea sur le sujet, le XXe siècle commença à découvrir l’intime de la matière, et en ce début de XXIe il est clair que nous sommes allés jusqu’à dématérialiser cette même matière, qui n’est plus que le fruit d’ondes électromagnétiques. Nous vivons dans un monde de plus en plus dématérialisé mais sans rien mettre à la place qu’une sorte d’impondérabilité sans arrière-plan, sans densité constructive autre que pseudo-mécanique, une densité quantique.

Alors je pose la question : comment peut-il encore évoluer ? Je parle bien de l’humain bien sûr, et pas de sa technologie…

Notons bien que j’évoque une question « comment » et non « pourquoi » (vu que la cause est dans sa nature propre de l’humain !) et non plus vers quoi (nous verrons plus loin…). Pour autant que l’on puisse répondre à cette question, il faut au moins poser quelques postulats :

  • l’humain est un être d’évolution qui passe son temps à s’évader des conditions naturelles,
  • l’humain (et le vivant en général) n’est pas que la somme des molécules qui en composent sa nature physique apparente,
  • l’humain est capable de se différencier du monde environnant (sentiment du « je », appui sur sa capacité à reconstruire le monde sous forme d’image indépendante de l’environnement perçu strictement : imagination, fantaisie, créativité, etc.), l’humain peut se mouvoir dans son monde intérieur.

Si ces postulats sont vérifiés intérieurement déjà, il va de soi qu’un bout du chemin vers le comment d’une modernité de l’humain peut se dessiner.

Sociabilisation

Dans un souci d’écologie humaine, c’est l’évolution de la société, donc du rapport à autrui, du lien à autrui que les véritables progrès sont nécessaires. Les maîtres-mots sont alors très nettement dessinés : ouverture, accueil, empathie, lien.

Il s’agit de lâcher le soi (notre ego in situ) pour découvrir l’autre soi, l’autre culture, l’autre croyance, l’autre foi, l’autre regard, l’autre façon d’être !

Tout ce qui referme sur soi finit par ramener à la maladie dont la principale forme s’appelle l’égoïsme avec toutes ses variantes ou couleurs que sont le sectarisme, la xénophobie, le racisme, le patriotisme ou le nationalisme, la compétition, la pression….

La palette est large et les moyens d’en cultiver les nuances sont malheureusement contenus dans le postulat N°3 ! Il y aura donc toujours des déviations, du harcèlement, de la peur, de la menace, de l’autoritarisme, de la rigueur (envers autrui). Tout ce qui encourage ces valeurs, disons ces tonalités d’une évolution sociétale, sont donc à bannir.

Science

La science est entrée à la fin du Moyen-Âge en concurrence avec la religion. Un dogme devait prendre place d’un autre. La menace de la punition divine devait retenir l’humain dans ce qu’il pouvait avoir d’obscur en lui de façon autoritaire. Mais ce faisant les règles de vie édictées ne venaient pas de soi et il fallait ramener chaque être humain à lui-même.

Se dégager d’une autorité pour trouver la sienne propre, la façon de construire sa propre morale, de pondérer son (ou ses) ambition(s) en fonction d’autrui, de ceux qui font partie de l’environnement de soi : voilà le fruit à faire mûrir.

L’humain en réalisant son progrès technologique allant des tâches quotidiennes jusqu’à la santé en passant par un effacement progressif des frontières (mondialisation économique mais aussi culturelle et cognitive) s’est ouvert la voie vers lui-même, chacun vers son individualité déjà effective physiquement mais surtout vers sa personnalité.

Ce faisant, tous les risques liés à la rencontre de sa propre personnalité peuvent prendre le pas dans le cadre d’un regard non pas simplement orienté, suggéré, assisté mais dirigé, focalisé comme cela est le cas avec la radicalisation  : le moi se reconnaît, il est mis en valeur et pour finir il s’admet comme inférieur à une autorité qui le mobilise et lui apporte la « connaissance » : c’est un retour en arrière, à une époque révolue et donc déviée, riche de tout le mal qui peut en naître face à une presque annihilation du moi individuel au profit d’un moi collectif et subversif !

Inversement le potentiel d’ouverture est décuplé au fur et à mesure de la reconnaissance que l’autre n’est pas une chose du monde mais porte aussi un « je », et ce « je » n’est ni masculin ni féminin, il est au-delà de ce que la corps représente en tant que nature sexuée.

Dès lors que l’on considère une place pour le « je », alors tout doit changer, et entre autre la science qui oriente éminemment les civilisations et qui ne peut passer réduire le « je » à une sorte d’abstraction métaphysique coincé dans des pseudo jeux quantiques !

La science du passé (galiléenne) doit s’effacer….et doit accepter d’être remplacée par une science moderne non en terme de technologie (comme elle le devient avec la technoscience) mais en terme de regard périphérique ouvert comme pourrait l’être sans peine une écologie basée sur l’amour (on peut dans ce cadre parler d’écologie chrétienne mais malheureusement le confessionnalisme ambiant nous éloigne de l’impulsion amour ouverte au fil de l’histoire humaine par l’esprit christique en terme d’universalité).

Une écologie basée sur l’amour est une écologie de synthèse (ce que doit être l’écologie). L’écologie analytique, celle qui sert la politique 9 fois 10, quand elle n’est pas que pure démagogie élective…,  est une écologie de séparation (ce qui est un contresens). Toutes les sciences du vivant s’inscrivent dans une écologie synthétique alors que n’importe quelle science du physique peut largement se contenter de l’analyse.

Action

Comment agir alors vers une évolution positive ? L’évolution technologique décrite dans les 3 billets précédents* en sollicitant le renfermement sur soi est en ce sens une évolution négative, une « simple » soumission de l’être à une autorité impersonnelle : la machine !

Si je tiens compte de l’autre pour lui-même et en tant que personne dans mes propres actes j’encourage son épanouissement en même temps que le mien. Dans le cas contraire, je le détache de ma réalité et l’isole dans la sienne.

Cela va très loin et sans beaucoup d’efforts…

  • Je trie…,
  • je consomme ce qui est respectueux de la nature, territoire commun…
  • je me mets en retrait jusque dans ma critique de l’autre pour objectiver mes arguments…
  • je vis sans empiéter sur l’espace de liberté d’autrui et dans le respect de sa façon de vivre…

Pour finir

Voilà qu’il n’y a eu dans le texte ci-dessus aucune orientation quant au devenir humain, nous nous devons quand même d’en dessiner une ligne « directrice », c’est-à-dire à suivre volontairement, par choix libre. Seul but possible pour une évolution vers un monde moderne de l’humain, un monde humaniste et humanisé, un monde d’humanité : l’objectivation morale du comportement (respect, attitude, tolérance, acceptation du vouloir d’autrui, …) de chacun vis à vis de son environnement, social autant que naturel, et je dirais en plus, aussi par rapport à soi.

Actuellement, ce qui monte en puissance politique, c’est une pseudo peur activée sans fondement sur des hypothèses de dégradation d’identité nationale entrainant donc la nécessité de rester centrés sur soi : l’autre est un ennemi potentiel qui doit se dépatouiller tout seul avec ses problèmes !!!

C’EST IDIOT… et, surtout, pernicieux ! La montée des partis fascistes est une sorte de contre-courant pour refuser une évolution positive des sociétés humaines  en utilisant des arguments fallacieux ou (et) populistes.

La faute à qui ?… Même pas à ceux-là qui ne réfléchissent là-dessus qu’en terme de doctrine, mais la faute à un état de fait qui s’impose sur la planète et réduit le vivant à de la mécanique physico-chimique où l’humain perd le moyen de se reconnaître.

Il va sans dire que le facteur le plus déterminant est dans ce que l’être humain intègre au niveau de son propre développement avec un impact énorme en terme de scolarité ou de vie de famille. L’adulte se comporte en fonction de ce qui peut germer en lui, s’y développer, donc de ce qui a été semé.

[Si on sème l’esprit de compétition, l’esprit du moi-je, qu’on le choie, l’encourage, le stimule sans une puissante contrepartie il est plus difficile une fois adulte de s’éveiller à autrui. Disons que l’esprit de compétition peut exister…. s’il est équitable : toi tu es le premier en math, c’est bien mais lui qui n’a pas tes aptitudes intellectuelles est très fort en créativité, en aptitudes manuelles, en sociabilité, etc.. ça aussi tu dois le développer…]

L'amour et la joie dans l'enfance valent largement la course aux acquis intellectualisés
L’amour et la joie dans l’enfance valent largement la course aux acquis intellectualisés. Photographie (C) prise aux Jardins d’eau (Périgord noir, France : cliquez sur l’image). On devine plus ou moins d’où vient l’enfant… on ignore où il va mais on sait ce qu’il fait et vit !

Il faut peu d’inné quand la volonté doit finir par être libre (conscience de ses propres actes au regard de l’environnement social et naturel) et morale (c’est-à-dire éthique vis à vis d’autrui).

L’animal a besoin d’une vie riche d’inné dont il ne pourra s’échapper (le prédateur compréhensif de la proie qu’il croque finirait par mourir de faim), l’humain a besoin d’un vaste possible… avec toutes les conséquences néfastes comme positives que cela implique !

Le prix de la liberté n’est pas ce que l’on peut penser en terme de défense nationale ou de protectionnisme, le prix de la liberté c’est l’effort qu’on fait pour aller vers autrui en tant qu’être et non comme pot de peinture ou de confiture !

« Aux secours, Dieu » ou « Le progrès, c’est nous » ?…

On attaque beaucoup ce dieu confessionnel des uns ou des autres, un dieu finalement séparatiste dans l’image que donnent ceux qui se battent soi-disant en son nom, un dieu, le même, que prennent pour étendard pour mieux le fustiger ceux qui plaident pour l’agnosticisme ou l’athéisme ou encore la laïcité sans foi.

Ce dieu confessionnel c’est celui à qui l’on reproche son isolement, son désintérêt de sa fille humanité et qui laisserait faire les abominations de notre monde actuel, jusqu’au tremblement de Terre et autres ravages insupportables et injustes. Qu’on se détourne d’un tel dieu, ma foi…, c’est bien compréhensible, mais ayons au moins le courage de reconnaître que ce type de dieu-là n’est qu’une image de notre impuissance à se mettre à l’œuvre…

Celui qui pense que Dieu est un prête-(bonne)conscience qui devrait agir depuis un au-dehors comme tout autre individu que lui-même se trompe, voire trompe les autres et replonge au Moyen-Âge malgré toute la technologie ambiante… : où est le progrès ? !

Celui qui nie une réalité divine sur la base des constats de l’impuissance des humains à vivre ensemble, ou de ses perversions, et plaide généralement en tant qu’humain individuel fait seulement d’une sorte de matérialité « responsable » mais quasi impersonnelle**, celui-ci se leurre lui-même. Il se leurre parce qu’il cherche à prouver par la négative que Dieu n’est qu’une chimère. Il va jusqu’à se nier lui-même sans s’en rendre compte, et nie par-là même autrui sans le savoir et en croyant avoir bonne, louable et juste conscience…

Si déjà on s’allume soi-même dans son rapport à tout autre en laissant se faire des échos mutuels d’un ego à l’autre, alors on n’a plus besoin ni d’un dieu externe ni de fustiger ce dernier comme un irresponsable pater-familias qu’il n’est pas.

L’humanité est en chacun, on peut lui donner le nom qu’on veut, cela n’a finalement pas d’importance… ce qui importe est d’apprendre à accueillir autrui comme on souhaite être accueilli dans son intime, c’est-à-dire au-delà des couches de blindage dont on s’est forgé une armure.

S’ouvrir au « Je » dans autrui comme dans soi, voilà le seul progrès humain qui façonnera un monde moderne. Le paradoxe est de faire cela en sachant que certains seront bien plus retors que soi et auront même du mal à accepter le fait : nous sommes tous des humains avec un même modèle de « je » qui a sans doute pour l’instant plus de 7 milliards de nuances…

 

 


NOTES

*
article 1 : L’homme réduit… ou la V.A.O.
article 2 : Réalité Réelle ou Virtuelle
article 3 : (dé)connectez-vous

** Le matérialisme et l’athéisme font la paire (en général car je ne vois pas comment il peut en être autrement). L’un est la conséquence de l’autre, il suffit de prendre conscience de cela pour que la pirouette qui consiste à passer d’une négation (Dieu n’existe pas) à une affirmation (tout n’est que matière avec un haut potentiel quantique) exclut simplement le tiers facteur (je suis un « je » qui pense cela).

La première question à se poser à l’intérieur de soi (sans dogme externe) est donc qu’est-ce que « je » signifie ? Ainsi le tiers facteur apparaît avec une objectivité inattendue et des réponses, et par la suite des conséquences, qui ont de quoi surprendre.

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Par Patrick ROUSSEL

Chercheur goethéen en biologie et "physique du Vivant" et bien d'autres choses comme enseignant, acteur ou potentiellement conseiller en écologie (formé)

2 réponses sur « Vers un monde moderne »

Excellente analyse, Patrick!!!
Je pense exactement comme toi, en plus j’adore ton écriture, un véritable plaisir de lecture.
Comme j’aimerais discuter / débattre avec toi de vive voix, y’en aurait pour des heures et des heures…
A plus!
Ciao

Merci bien Bruno et merci d’être passé ici. Je sens que si on parlait nous devrions chacun faire un grand effort pour laisser l’autre s’exprimer sans l’envahir de nos propres convictions…
À plus,
Patrick

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